vendredi 9 janvier 2009

Le "bon" et le "mauvais" journalisme.

Je vous propose en ce début d'année quelques réflexions sur le "bon" et le "mauvais"journalisme (un exercice périlleux!), à partir d'un livre du journaliste polonais Ryszard Kapuscinski, que j'avais trop vite mis de côté et que j'ai re-découvert en mettant un peu d'ordre dans mes papiers au cours de la période des Fêtes.

Une presque légende dans certains cercles journalistiques européens, Kapuscinski, décédé en 2007, a été correspondant de l'agence de presse polonaise pendant de longues années, notamment en Afrique, et plusieurs de ses ouvrages ont été publiés en France, dont une réflexion sur le journalisme s'inspirant de l'oeuvre de l'historien grec Hérodote (4 ième siècle av.J.-C.). Il faut le faire!

Dans Autoportrait d'un reporter (Plon, 2008), qui rassemble des extraits d'entretiens et de conférences, on lit:
"Le bon journalisme est facile à distinguer du mauvais journalisme; dans le bon journalisme, outre la description de l'événement, il y a l'explication de ses causes. Dans le mauvais journalisme, il n'y a que la description pure, sans liens ni rapports avec le contexte historique,c'est la relation d'un événement nu dont nous n'apprenons ni les causes ni les antécédents."

S'il se limitait à cela, Kapuscinski ferait fausse route.Il y a bien des façons en effet de pratiquer le journalisme.Aucune n'est supérieure à l'autre. Elles sont différentes et complémentaires. La seule description de l'événement est tout aussi essentielle que son explication. Ainsi, on ne demande pas au reporter qui couvre un conflit d'en refaire chaque jour l'histoire. Il en a déjà plein les bras à raconter ce qu'il voit et ce qu'il entend. C'est le témoin. Il pourra à l'occasion faire le point, mais c'est le plus souvent à d'autres, auxquels on donnera le temps et les ressources nécessaires, qu'incombe la tâche de chercher à donner un sens aux événements.

Mais Kapuscinski poursuit fort heureusement sa réflexion:
"Deux types de reportages doivent coexister.Le premier s'appuie sur l'information actuelle, courante: aujourd'hui, il s'est passé telle et telle choses.Ce type de reportage décrivant l'histoire superficielle se déroulant sous nos yeux restera la denrée principale des médias. ... Le second type de reportages doit être en mesure d'extraire des réflexions du flot des événements en cours; il doit essayer de trouver une logique à ce qui semble de prime abord alogique; il doit établir certaines règles dans ce qui parait totalement anarchique et chaotique."

C'est ce "second type de reportages" dont nous avons le plus besoin dans notre univers encombré d'information instantanée et d'opinions souvent non fondées.En France,cette exigence de recul vis-à-vis de "l'événement nu" vient d'inciter quelques anciens du journal Le Monde,dont son ancien directeur Jean-Marie Colombani, à créer une version française du webmagazine politique et culturel Slate, devenu une "marque" sur Internet aux États-Unis (Libération.fr le 6 janvier). Slate France qui doit être en ligne dans quelques semaines, est après Rue89, Bakchich et Mediapart, le quatrième site d'information créé par des anciens de la presse écrite française.

À quand la première québécoise?

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